observatoire des sondages

A quoi sert la commission des sondages ? (2)

mardi 16 juin 2009

Une caution d’Etat

En même temps que la loi de 2002 supprimait l’interdiction de publier les sondages électoraux dans la semaine précédent un scrutin, et donc réduisait le contrôle de la commission des sondages, elle redéfinissait partiellement le contrôle de qualité.

Composée de juristes, la commission n’était pas qualifiée pour effectuer un contrôle technique. Il faut donc comprendre l’adjonction de deux personnalités extérieures comme une adaptation. Elle est modeste. Le contrôle effectif des sondages concernés par la loi n’est pas effectué par la commission elle-même mais par des experts vacataires. Sans qu’on sache qui ils sont. Le rapport entre le nombre de sondages contrôlés (293 en 2007) et le nombre de mises au point (1 en 2007) est tellement disproportionné qu’on est obligé d’en conclure que les experts n’ont pas d’observations et encore moins de critiques à faire. Il est vrai que le contrôle de sondages sur les intentions de vote a toutes les raisons d’être routinier et donc rapide : une simple vérification des corrections, semble-t-il, puisque les questions ne changent pas. Quant aux autres sondages, ils semblent susciter encore moins de remarques. On peut s’en étonner alors que les scientifiques ont tant d’observations à faire. Qui sont donc ces vacataires, leurs titres de compétence et leur travail ? Sondages opaques, contrôle obscur.

Au cours de l’année 2008, plusieurs sondages publiés portaient la mention « fiche technique disponible à la commission des sondages ». La chose était étonnante alors que cette mention ne répondait à aucune obligation légale : ils n’avaient aucun « rapport direct ou indirect avec l’élection », selon le terme de la loi et la pratique de la commission. La question fut donc posée à la commission des sondages : recevait-elle ces fiches ? Le 5 mai 2008, la commission répondait que ce devait être « un effet de couper-coller ». La persistance de cette mention nous amena à reposer la question en février 2009. Faute de réponse à une première lettre, une second message précisait les questions : à propos du classement des personnalités Le Point-Ipsos publié dans Le Figaro du 9 février 2009 qui portait encore la mention « notice disponible à la commission des sondages », nous demandions :
« les instituts de sondage vous communiquent-ils vraiment une notice détaillée sur ces sondages en dehors des sujets électoraux ?

- Si oui, leur avez-vous signalé qu’ils ne relèvent pas de la mission de la commission des sondages définie par la loi ?
- En tout état de cause, leur avez-vous signalé devoir retirer cette mention qui fait croire à un contrôle légal ? »

Nous n’avons pas obtenu de réponse. Sauf défaut de vigilance de notre part, nous n’avons plus retrouvé cette mention dans la presse depuis lors.

Le « couper-coller » peut-il être accidentel reproduit en autant d’exemplaires ? Il est plus probable que la répétition de ces mentions était le signe d’une revendication de rigueur. En somme, la commission des sondages offre une caution d’Etat à tous les sondages, ceux qui sont contrôlés comme les autres. Quelques sondeurs en ont compris l’intérêt. Quelques journaux aussi. On se souvient de leurs critiques d’une « loi scélérate » qui visaient surtout, il est vrai, l’interdiction de publier dans la semaine précédent le scrutin. La méconnaissance du droit est fort banale. La faible vigilance de la commission des sondages n’en est pas moins surprenante. Comment n’a-t-elle pas vu une mention très fréquente et ne l’a t’elle pas corrigée ? On ne peut exclure que, comme toute organisation, la commission ait eu une propension à étendre l’étendue de ses compétences. C’est ce que suggère cette remarque : « Il se pourrait toutefois qu’elle (la commission ) soit aujourd’hui appelée à contrôler un sondage qui entrerait dans cette catégorie alors qu’aucune élection n’est prévue à court terme dans la mesure où le « rapport direct ou indirect » ne signifie pas rapport d’immédiateté » (4 mai 2008).

Il n’est pas besoin d’une extension du contrôle effectif de la commission pour que sa caution s’étende à tous les sondages, les plus contestables compris, à la fois par ignorance - intéressée ou pas - de sa compétence légale et par l’absence de sanctions qui laisse croire qu’il n’y jamais de raisons de faire la critique des sondages. Cet effet pervers de l’intervention de la puissance publique est sans doute le résultat le plus important de l’existence d’une commission des sondages. Dans sa fonction latente, plus importante que ses actes particuliers, elle opère d’abord comme une agence de blanchiment des sondages.

A suivre…

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