observatoire des sondages

Des intentions de vote frelatées comme faire-valoir : le cas F. Ruffin

mardi 30 avril 2024

Si J-L Mélenchon, dont le désir d’être président de la République semble inextinguible, s’interrogeait encore sinon sur la loyauté du moins sur les ambitions de F. Ruffin, le député de la Somme vient de dissiper ses derniers doutes. Il désire lui aussi être président. Et ses chances de le devenir seraient autrement plus importantes que celle du chef de LFI, selon un sondage on l’aura deviné, tant il appartient au répertoire ordinaire de l’action politique pour faire valoir des ambitions personnelles ou contester celles de prétendants éventuels.

Réalisé début avril par Cluster17 [1] le sondage a été commandité par l’association « Picardie debout », autrement dit F. Ruffin lui-même. Quitte à être (bien) servi autant l’être par soi même, une « bonne vieille méthode » là encore. Les scores « d’intentions de vote » récoltés expliquent certainement leur révélation par le député LFI (cf. Libération, 22 avril 2024).

Cette commande n’était pas nécessaire pour confirmer la conversion du parti d’extrême gauche à la doxosophie et ce que l’on soupçonnait déjà à l’époque pas si lointaine où il critiquait sans état d’âme les sondages : sa sensibilité à la critique scientifique n’était qu’opportune, motivée essentiellement comme tous les autres partis sans exception par les résultats qui lui déplaisaient. Sauf peut-être pour le secrétaire général du Parti de Gauche et bras droit de J-L. Mélenchon, disparu prématurément en juin 2015, qui préfaçait en 2011 un livre d’entretien avec trois scientifiques spécialistes de sociologie électorale et critiques des sondages [2]. Après s’être essayé de manière fugace au métier de sondeur (cf. On n’est jamais mieux servi que par soi-même), sa « bonne fortune » électorale a fini, comme le Front national avant lui, par le convaincre de l’utilité des marchands d’opinion. Il y a un an J-L Mélenchon se félicitait déjà de perspectives heureuses pour la présidentielle de 2027 pour lui mais aussi pour F. Ruffin.

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La date du scrutin ne constituant plus un critère discriminant pour la réalisation et la publication de sondages, l’initiative de ce dernier n’est donc guère surprenante sauf pour les fidèles de J-L Mélenchon qui la trouvent cette fois un peu prématurée, ce qui ne manque pas de sel. Que les réponses des sondés récoltées à trois ans d’un scrutin soient « tout ce qu’on veut » sauf des intentions de vote comme le disait à sa manière Plantu lors de la présidentielle de 2017 (cf. ci-dessous), n’a donc plus aucune importance.

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Pour la presse non plus d’ailleurs jamais rassasiée et toujours prête à recevoir et commenter sans tiquer la plus grossière des fake news électorale. Même le score de F. Ruffin à égalité parfaite avec M. Le Pen au deuxième tour (50% chacun) n’a « interpelé » ni fait rire personne, publiquement du moins. Il est vrai que Cluster17 et ses sondés ont toujours été « bienveillants » avec la gauche en général (cf. Bilan de la présidentielle : « retour à la normale »). Le sondeur a-t-il corrigé les biais de ses méthodes d’échantillonnage et de constitution de panels que lui reprochait, entre autre, la commission des sondages ? A notre connaissance non. Les conseillers d’Etat qui la composent n’ont manifestement pas jugé bon d’insister. Le sondeur l’a bien compris. Personne n’allait en outre questionner son « bidouillage » du redressement des « intentions brutes » de F. Ruffin, basé comme il est de coutume dans le métier de sondeur sur les scores aux précédents scrutins de même nature. Contrairement à J-L Mélenchon F. Ruffin n’a pas encore participé à un scrutin présidentiel. Sans même parler de cette différence manifeste de traitement des réponses, comment Cluster s’y prend-il pour qu’il fasse jeu égal avec M. Le Pen ? On connait déjà la réponse des sondeurs confortés par la commission des sondages et le Conseil d’Etat : secret des affaires. La science politique ? De l’histoire ancienne, une de plus là aussi, pour le professeur d’université qui a fondé et dirige Cluster17.


[2Cf. Sondages : souriez, vous êtes manipulés, A. Garrigou, P. Lehingue R. Caveng, éditions Bruno Leprince, 2011.

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